Histoire
« Bonjour, Dahlen, mon fils, mon petit joyau. Si tu lis ceci, c'est que nul n'a réussi à me protéger. Je me suis promis de détruire cette lettre si un jour j'échappe à l'emprise écrasante des Ruisseaux et à celle de ton père, tu ne la liras donc pas. Je l'espère. Je l'espère de tout cœur mais je veux être certaine que mes mots t'atteindront si j'en viens à échouer.
Mes parents m'ont toujours dit et répété que les Ruisseaux étaient de mauvaises fréquentations. Des voleurs et des malfrats, des criminels des bas-fonds qui n'ont même jamais vu ou voulu voir la surface et la ville au-dessus du canyon. Esclavage, contrebande, arènes de combat, assassinats : à l'entendre, ils faisaient tout. Mais ça n'avait pas d'importance pour moi, car je ne m'intéressais pas aux Ruisseaux. Je m'intéressais juste à Armen Tinsley-Henteo. Je savais qu'il était des leurs, mais il m'avait assuré que jamais je ne les subirais. C'était vrai. C'est lui, que j'ai subi.
Comme tu ressembles à ton père, mon petit Dahlen. Les mêmes cheveux, les mêmes yeux, les mêmes traits, c'est à se demander ce que tu tiens de moi. J'espère que la réponse sera toujours dans ta gentillesse. Tu es trop jeune pour t'en rendre compte, je le sais, mais ton père a changé. Il n'est plus l'homme aimant qui t'a amené en ce monde, ni celui qui t'en a donné le goût. Les Ruisseaux l'ont changé, ils ont mis le grapin plus profondément encore sur son âme et je pense que jamais nous ne le retirerons. Je l'ai surpris à utiliser notre maison comme cachette pour des marchandises volées, il y a ramenés des gens qui, en y regardant de plus près, avaient l'air terrifiés d'être là, sans doute des esclaves pour les arènes des Ruisseaux. Pendant tout ce temps, j'ai fermé les yeux, refusé de croire que ton père était devenu pleinement l'un des leurs, mais il m'est impossible de l'ignorer désormais. Tu n'es pas en danger, jamais au grand jamais il ne fera de mal à son enfant, du moins tant que tu es trop jeune pour qu'il t'entraîne avec lui. je ne laisserai pas ceci arriver.
Je vais partir. Nous allons partir. Bientôt, nous parviendrons à nous éloigner de lui, des Ruisseaux, de tout ce qu'il représente. Je m'en veux de suggérer que tu grandisses sans deuxième parent, mais je ne peux pas prendre le risque qu'il t'entraîne par le fond. Je n'ai pas la force nécessaire pour lutter contre son pouvoir : si je m'y oppose, il ne se contentera pas de museler mon esprit. Alors je profite de ce bref instant de conscience pour tout poser sur papier tant que je parviens encore à réfléchir.
Nous partirons à l'aube rouge, quand les Ruisseaux se réunissent, quand la pression dans ma tête se relâche. Je t'emmènerai loin d'Aviyo, loin de lui, jusqu'aux terres profondes de Siraën, ou même lui n'osera venir nous retrouver. Là-bas, tu seras heureux. Et s'il lui prend malgré tout le courage inconsidéré de venir, il n'y fera pas long feu : je sais ce qu'on fait aux esclavagistes, dans ce pays. C'est la destination de choix pour leur échapper. »
Le reste de la lettre détaille le plan d'évasion dont il se souvient, l'escalade sous la lueur écarlate du petit soleil jusqu'à la surface, la courses sous les passerelles, la traversée des ponts, le sacrifice de leurs possessions pour un dragon vers l'ouest, la chaleur écrasante de Siraën. Tout s'est passé comme prévu et pourtant, elle n'a pas trouvé le courage de détruire cette lettre, sinon il ne l'aurait pas trouvée dans ce tiroir. Serrant le poing, il laisse la feuille se froisser entre ses doigts.
Comme tu ressembles à ton père. Cette phrase, écrit avec une écriture si douce, lui a fait l'effet d'un coup de poing dans l'estomac. Quand le ton et l'implication de ces mots avait-il changé ?
Fourrant la feuille dans sa poche, il se dirige vers la porte bardé de fer qui a marqué le tournant de son existence. Le métal froid sur ses doigts lui tire une grimace presque douloureuse tant le souvenir qu'il ramène est vivace.
Les mêmes yeux. Les mêmes cheveux. Dahlen, mon fils. Il ferme les yeux, plongeant le couloir dans une obscurité absolue. Pousse le battant pour entrer dans la petite pièce. Ses ongles effleurent les traces de sang séché sur le mur comme s'il était possible de les faire disparaître.
Un deuxième parent. Crissement d'ongles.
« - Tu ressembles beaucoup trop à ton père, Dahlen. Tu ne vois pas l'état dans lequel ça la met ?
L'enfant reste silencieux, le front caché par sa frange droite trop bien alignée. Ses queues s'agitent doucement dans son dos.
- Fais au moins un effort pour moins lui ressembler !
Tintement de lame. Sa frange disparaît et, rapidement, le reste de ses cheveux. Il ne reconnaît pas le reflet dans le miroir. Ses petits poings se serrent de frustration, mais il ne dit rien. Il encaisse. Pour sa mère, parce qu'elle aime cette femme, et que sa maman lui a promis qu'elle serait un deuxième parent qui prendrait soin d'eux. Il ne le voit pas.
......
La main de Mahira se serre sur sa mâchoire et il retient les larmes qui lui montent aux yeux. Elle ne sera pas contente s'il pleure. Elle ne fait que corriger les choses, c'est ce qu'elle dit toujours. Corriger les choses pour rendre sa mère heureuse. Et maman ne dit rien. C'est qu'elle doit avoir raison, non ? Sinon elle ne se serait pas mariée avec.
- Non, il faut faire quelque chose. Plus tu grandis, plus tu ressembles à un alfur.
- Mais je suis un...
Les doigts se serrent plus fort encore. Il gémit.
- Ton père était un alfur. En devenant un alfur comme lui, tu ne fais que lui rappeler ce qu'il lui a fait subir.
Il se mord la langue. Comment pourrait-il arrêter d'être un alfur ? Il ne comprend pas. Il ne comprend pas ce qu'elle lui demande. La main sur son visage disparaît, se serre sur son poignet, l'entraîne dans une pièce bardée de métal froid. Mahira lui tend une corde.
- Cache tes queues. Attache-les dans ton dos et ne les bouge pas.
- Mais ça fait mal...
Elle le toise avec tant de haine qu'il en frissonne. Il obéit, elle vient serrer la corde davantage et il sent l'air entrer difficilement dans ses poumons. Mais au moins, ses queues sont cachées. Les pinces d'os lui font mal au dos. Elles seront contentes, avec ça. Il ne peut plus ressembler à son père, si on ne voit pas ses queues.
......
Le cri de Dahlen résonne dans la salle trop petite pour étouffer les sons et il s'effondre, une main plaquée sur son oreille, dégoulinante de sang.- Même comme ça, tu lui ressembles.
Mahira feule, exaspérée. Les écailles sur sa joue palpitent au rythme de sa colère. L'enfant se replie sur lui-même, incapable cette fois de retenir les larmes et de supporter la douleur qui dépasse toute notion de retenue.
- Je te demande juste de faire un petit effort, et tu continues de lui ressembler. À chaque fois qu'elle te voit, son état empire.
Elle a raison, Dahlen le sait. Depuis si longtemps, sa mère frémit de terreur à chaque fois qu'elle croise son regard, comme si son père hantait son visage. Il ne comprend pas pourquoi. Il ne comprend pas pourquoi ils se sont enfuis, pourquoi papa lui fait peur, pourquoi elle aime Mahira. Lui n'aime pas Mahira. Elle lui fait peur. Mais quand elle est méchante avec lui, maman approuve. C'est qu'elle doit vouloir la même chose, alors. Peut-être qu'elle n'est pas méchante. Peut-être qu'il ne comprend juste pas.
- Tu es trop alfur. À partir d'aujourd'hui, tu mettras des chaussures.
Il regarde celles qu'elle porte avec un frisson. Ça a l'air terriblement petit, trop petit pour ses mains inférieures. Ça va lui faire mal.
Ses queues s'agitent d'indignation, il se mord la langue. Il sent les pinces d'os griffer plus profondément encore les plaies dans son dos.......
Les chaussures lui agressent les doigts mais au moins, maman semble un peu moins malheureuse en le regardant. Mahira lui a interdit de montrer son oreille gauche, il la cache sous un haut col et ne montre que la droite, celle qui ne fait pas alfur. Il ressemble moins à son père, maintenant. Mais ça n'empêche pas Mahira de le toiser avec mépris.
- Ce n'est pas assez.
Il frémit.
- Ce n'est pas assez. Elle est encore malheureuse. Je ne peux pas changer ton visage, je... oh.
Elle le tire par l'épaule et il retient à nouveau ses larmes. Elles font trop briller ses yeux, elle dit que ça le fait ressembler à son père parce qu'ils font plus de lumière.
- Tu vas devenir une fille.
- Quoi ?
L'adolescent cligne des yeux. Comment est-il censé "devenir" une fille ?
- C'est parce que tu es un garçon, que tu ressembles à ton père. Tu vas changer de nom, parce que c'est lui qui l'a choisi et que dès qu'elle le prononce, elle a mal. En plus ça ressemble au nom de ton père. Non, tu vas t'appeler autrement. Et à partir de maintenant, tu seras une fille.
- Mais ça ne change rien...
La gifle le prend par surprise et il gémit. Il aurait dû s'y attendre, mais parfois, il ne peut pas s'empêcher de contester. Malgré tout le temps qui s'est écoulé et toutes les leçons qu'il aurait dû retenir.
- Ça change que si elle ne t'appelle plus Dahlen, et si elle ne t'appelle plus son fils, tu ne pourras pas être ton père, parce que ton père était un homme et toi, tu ne l'es plus.
Plus un alfur. Plus un homme. Plus Dahlen. Il déglutit difficilement. Est-ce que c'est ce qu'il faut pour que sa mère le regarde dans les yeux ? Pour qu'elle l'aime ?
- D'accord...
Elle approuve d'un signe de tête et lui donne un nouveau prénom. Maladroitement, il s'approche de la chambre de sa mère. Elle est encore là, comme tous les jours, le regard rivé sur la pierre de quartz qu'elle a ramené d'Aviyo quand ils sont partis pour Siraën. Elle le regarde, tressaille, il sent son petit coeur se serrer.
- Dahlen ?
- Non, je... je suis Kessy.
Il n'aime pas ce prénom. C'est moche.
- Quoi ?
- Je... Je suis Kessy. Ta fille. Il n'y a pas de Dahlen.
Pas d'alfur, pas d'image de son père. Sa mère le fixe avec de grands yeux. Puis elle sourit, tend ses bras dans sa direction, le serre contre son cœur pour la première fois depuis si longtemps. Il se laisse câliner.
- Ma douce petite fille...
Est-ce qu'elle l'aime ? Est-ce qu'elle l'aime vraiment de nouveau...? »
La pièce est fidèle à son souvenir. Toutes les décisions de Mahira Tenzon, toutes ses tortures, sont comme imprégnées dans les murs. Sept ans. Pendant sept ans, elle lui a fait croire qu'il subissait tout ça pour que sa mère cesse d'être aussi mal. Jamais elle n'aurait dû épouser cette femme, jamais elle n'aurait dû se laisser abuser une nouvelle fois par une gentillesse éphémère. Sa main inférieure droite agrippe une lame qui traîne au sol, la remonte pour qu'il puisse s'en saisir dans la supérieure. C'est une lame de ciseau. Le ciseau qu'elle utilisait pour se couper les cheveux et tisser l'outil de torture qui maintenait ses queues collées contre son dos. D'un geste rageur, il la projette vers le miroir. C'est à peine si elle y laisse un petit éclat.
Il laisse la fraîcheur du sol s'imprégner dans ses mains nues. À force de les engoncer dans des chaussures, il a oublié la sensation de la pierre sous ses paumes inférieures. Oui, sa mère l'a aimé de nouveau, pendant un temps. Kessy Sarha-Tenzon, avec son crâne rasée, son oreille de forme arrondie, son absence de queue et ses pieds, était plus loin de son père qu'il ne le serait jamais. Il ne lui aurait manqué que des écailles pour paraître être l'enfant croisé des deux femmes qui se donnaient le titre de parent. Mi-alfur, mi-salamandar. Mais Mahira n'a jamais été jusqu'à essayer de lui en enfoncer sous la peau. Peut-être qu'elle n'en a juste pas eu le temps.
Un son étouffé interrompt ses pensées baladeuses et il soupire. Ne peut-on pas le laisser paisiblement dans le silence ? Il regarde son visage. Ressemble-t-il vraiment à son père, maintenant que ses cheveux ont repris leurs droits ? Maintenant que son oreille et ses queues se trouvent enfin à l'air libre ? Il ne se souvient plus. Il n'a pas vu son père depuis ses quatre ans, c'est suffisamment loin pour qu'il ait oublié son visage. Sans doute ont-ils le même. Sinon, pourquoi aurait-il subi tout ça ?
Nouveau son étouffé, nouveau soupir en réponse. Il quitte la pièce à petits pas comme si elle pouvait le retenir, comme si elle était vivante. Puis il s'approche de l'ancienne chambre de sa mère. Il n'y a pas remis les pieds depuis que son esprit s'est consumé. Mahira avait tort. Sa mère avait tort. Tout cela n'avait rien à voir avec lui. Il serre fortement la lettre dans son poing. Tout cela, c'était la faute de celui qui avait comprimé son âme.
Il passe devant la porte en silence, ouvre celle d'à côté. Son ancienne chambre à lui, le seul endroit où il pouvait ôter ses chaines de cheveux argentés, panser ses plaies, être un garçon. Le seul endroit où il avait du pouvoir. Une masse s'agite au sol, essayant vraisemblablement de se défaire de ses liens.
- Tu peux toujours essayer. Tes cheveux sont d'une solidité incroyable, tu ne parviendras pas à les desserrer ou à les briser.
Silence. La silhouette a cessé de bouger. Il se penche, la saisit par la nuque pour la forcer à se relever, serre sa mâchoire de toute sa poigne d'adolescent de quinze ans.
- Tu ressembles trop à la femme qui m'a torturé, Mahira.
Elle écarquille les yeux et il sourit, défait le bâillon qui l'empêche de parler.
- Ne t'en fais pas, ça ne durera que sept ans. Après tu pourras essayer de t'évader. La vie est juste, n'est-ce pas ?
- Kessy ! Arrête !
- Kessy n'existe pas.
Un coup de poing dans l'estomac coupe le souffle de sa tortionnaire. Il lâche sa mâchoire, serre une des pinces de ses queues autour de ce poignet qui a dirigé bien trop de gifles.
- Je me demande par quoi on va commencer.
- Dahlen !
- Oui ?
- Ta mère n'aurait pas voulu ça ! Elle m'aimait, elle...
- Ma mère était folle. Jamais elle ne lui a échappé. Il était toujours là, dans sa tête, avec son pouvoir.
Sa pince se resserre à mesure que sa colère enfle, et elle pousse un cri alors que la pression fait entailler sa peau.
- Elle ne te protégera pas plus qu'elle ne m'a protégé.
- S'il te plaît !
- Tu ne supplie pas assez fort pour que j'aie envie de t'écouter.
Il récupère la lame cachée dans un des tiroirs. La tend vers elle alors qu'il rapproche lentement les mains de la femme l'une de l'autre.
- Coupe-toi un doigt.
- Quoi ? Ça va pas ?!
- C'est avec celui-là que tu as tranché mon oreille. Coupe-le, il fait trop Mahira.- Pourquoi je ferai une chose pareille ?!
- Parce que si tu ne le fais pas...
Il approche sa queue, serre de toutes ses forces autour du doigt en question.
- Si tu ne le fais pas, c'est moi qui m'en charge. Et ça sera nettement plus long. Je n'aime pas trop les couteaux.
Il a réussi à lui faire peur, il le voit dans ses yeux. Elle va le faire. Elle va le faire parce qu'elle n'a pas le choix. Et pendant les sept années à venir, elle n'aura plus jamais aucun choix.
Comme lui.
......
- Tu l'as vraiment ramenée ?
- Quoi, tu croyais que j'allais la tuer ? J'en ai jamais eu l'intention.
D'un geste désinvolte, il dépose son paquet sur la table, et le paquet gémit. La jeune femme face à lui se gratte la tête, perplexe.
- J'arrive pas à croire que t'aies transporté un colis humain depuis Siraën. Tu veux vraiment crever, Dahlen.
- Pas avant sept ans.
- Je sais, je sais. Bon, amène-la en bas.
- Une dernière chose, Nin.
- Quoi ?
- J'ai trouvé une lettre de ma mère.
Elle n'a pas le temps de dire un seul mot avant que la pointe d'une rapière se fiche contre sa gorge.
- Lequel d'entre vous a entraîné mon père par le fond ?
- Q... Quoi ?
-
Lequel ?!Elle sursaute. Depuis trois ans qu'elle l'a rencontré, errant à Aviyo comme une âme en peine, elle ne l'a jamais vu en colère contre qui que ce soit d'autre que Mahira.
- J... Je ne sais pas.
- Tu ne m'as jamais dit que mon père faisait partie des Ruisseaux.
- Je ne...
- Menteuse ! Ne me mens pas, Nin, je
sais que je lui ressemble.
Il a entendu ça toute sa vie. Il ne peut en être autrement.
- Armen Tinsley-Henteo.
Elle tressaille. Il avance sa lame, trace une perle de sang sur sa gorge, répète le nom.
- Tu sais qui c'est. Tu as toujours su qui c'était. Vous vouliez me traîner sur la même voie que lui, m'entraîner dans les bas-fonds jusqu'à ce que je devienne un monstre.
- Parce que tu ne l'es pas déjà ?
Elle pointe le paquet sur la table, il hausse les épaules.
- C'est un retour des choses équitables. Aucun rapport.
Alors qu'elle s'apprête à reprendre la parole, il presse la pointe encore plus fort.
- Qui ?
Enfin, elle lui donne un nom. Le seul qu'il ne peut pas atteindre. Sa lame recule.
- Je pars.
- Tu ne peux p...
- Je pars.
Il charge son paquet sur son épaule sans se retourner, la laisse ici, toute seule, avec tout ce qui faisait d'eux une parodie de famille. Il sait qu'elle n'a jamais remplacé sa mère, il sait qu'elle n'a jamais été un parent, mais la trahison est plus brûlante que jamais. Maintenant qu'il connaît ce passé, il a de nombreuses comptes à remettre à zéro. Mais d'abord, sept ans. Sept douces années avec Mahira entre ses griffes.
.......
Elle n'est plus que l'ombre d'elle-même. L'anniversaire de sa capture, le dernier avant qu'il lui laisse une chance d'essayer de s'enfuir.
Avec son crâne rasé, son œil en moins et ses mains mutilées, elle a fini par cesser de ressembler à Mahira. Même sa voix a fini par changer, à force de se briser. Lentement, il défait les liens.
- Une chance équitable.
Il murmure, puis il s'éloigne en verrouillant la porte derrière lui. Peut-être réussira-t-elle à fuir. Peut-être sera-t-elle encore là quand il rentrera. Il avait quinze ans quand il a enfin réussi à lui mettre la main dessus. Il est un homme, maintenant qu'il lui donne sa chance de fuir. Il est temps de prouver à Aviyo qu'il est adulte. C'est un adulte implacable qui a détruit son père, c'est un adulte implacable qui le vengera. Mais on ne détruit pas les Ruisseaux seul. Ils sont trop complexes, trop anciens, trop bien organisés. Pour les ronger jusqu'à la moelle et leur ôter tout ce qui fait leur identité, il a besoin d'une armée.