Histoire
Incapable de bouger, incapable de les dévorer, ces chaînes l’empêchaient de tout. Elle pouvait simplement regarder, ces sales types qui se prétendaient chasseur de monstres mais qui y avaient pris tellement de plaisir qu’ils avaient peut-être eux finit par devenir des monstres. Elle ne pouvait que regarder et hurler de rage à s’en rendre atone quand pour prévenir une éventuelle contamination ils exécutèrent toute sa famille avant de l’empoigner elle, le Thérion, la renommée malédiction des terres, le dévoreur de mondes. Maudites chaînes. Ah si seulement elle avait pu, elle les aurait tous bouffés jusqu’au dernier en prenant le temps de les faire souffrir autant qu’il l’avait faite souffrir en leur arrachant le coeur. Cependant incapable de venir à bout de la créature, son châtiment fut tout autre. Exil. Enchaînée, elle se sentit tomber à travers la brèche. Sans aucune idée d’où elle allait atterrir, elle hurlait proférant menaces et insulte. Elle les tuerait, elle les tuerait tous, comme ils les avaient tués. Ainsi en 1672 sur Nitzihell, un Thérion tomba du ciel dans les contrées glacées de Vastaroth.
Elle rampait dans la neige encore enchaînée lorsqu’on la fit rouler du pied, ses yeux jaunes se posèrent sur trois hommes qui s’ils ne semblaient rien avoir de particulier, n’avaient pas l’air d’être des gens recommandables. Elle tenta sa chance.
“Détachez moi et je vous laisse en vie.”
Ils la regardèrent perplexes, ils ne comprenaient pas un traître mot de ce qu’elle disait.
“Elle vient d’où encore celle là ?”
“J’sais pas. Mais je sais qu’on pourrait se faire un paquet de blé si on la vend…”
“On pourrait s’amuser un peu avec avant ?”
Celui qui avait parlé en dernier se prit une bonne tape derrière la tête.
“Nan. Ils prennent pas les marchandises usées. Et regarde son bras, il doit être salement amoché, il est bandé de partout.”
Le Thérion se mit à gigoter, elle non plus ne comprenait pas ce qui était en train de se dire, mais elle n’avait aucune envie de perdre plus de temps avec de tels idiots. Elle devait trouver un moyen de retourner dans son monde pour faire payer leurs crimes à ces maudits chasseurs de monstres.
Les hommes s'accordent pour la détacher de ses chaînes et grand mal leur en prit. A peine libre Daftsura leur bondit dessus, muée par la faim et par la rage qu’elle cherche à évacuer, mais aussi pour un but plus utilitaire. Elle devrait apprendre le language d’ici si elle voulait espérer faire quelque chose. Elle les dévora tous les trois, ne laissant rien d’autre qu’une flaque de sang sur le tapis neigeux de Vastaroth avant de reprendre son chemin vers elle ne savait où. Mais elle trouverait bien.
Le Thérion resta en Vastaroth quelques années seulement avant qu’une grande battue ne soit organisée pour retrouver cette bête à l’origine de beaucoup trop de disparitions. Et pour cause à la recherche du pouvoir qui lui permettrait de rentrer chez elle, elle avait commencé à dévorer des utilisateurs de pouvoir sans réfléchir avec l’espoir fou du trouver celui qu’elle espérait. Mauvaise idée puisqu’elle fut traquée, jusqu’aux frontières de Thanaliel. De nouveau, elle devenait une fugitive, doublé cette fois ci d’une véritable meurtrière en quête de vengeance. Elle parvint à s’échapper et à faire profil bas pendant quelques années cherchant toujours sa perle rare et ne dévorant que lorsqu’elle le devait cependant ce genre de pouvoirs ne semblaient en rien être commun ici.
Elle finit par réussir à se discipliner et s’installa à Thanaliel sous son identitée d'origine, inconnue dans ce monde. Elle se grima également usant de divers artifices pour que nul ne puisse faire le rapprochement avec le signalement émis par la contrée du sud, elle coupa notamment ses cheveux et utilisait chaque jour ses faibles capacités de transformation pour changer la couleur de ses yeux. Elle intégra aussi l’armée impériale espérant que cette force mouvante la rapprocherait encore de son but ultime. Cependant la mascarade ne dura qu’une poignée d’années de plus avant que la créature ne soit de nouveau débusquée. Et cette fois ci, quand bien même on fut capable de l’arrêter, un sourire macabre aux lèvres elle recracha aux pieds de ses supérieurs les restes des pauvres soldats qu’elle avait mangé.
Elle ne comptait plus, ni le nombre de fois, ni le nombre de manières dont ils avaient tenté de mettre fin à ses jours. Elle put expérience nombre de morts, brûlure, noyade, empalement, chute, écartèlement, dévorée vivante. Mais elle finissait par toujours pas revenir au grand dam de ses bourreaux, elle même ne sachant pas tellement comment elle pouvait survivre à cela, elle ne s’en préoccupait pas vraiment tant la douleur lui faisait tourner la tête. Ah elle aurait aimé mourir en cet instant, mais simplement elle ne pouvait pas. Est-ce qu’une prétendue divinité était en train de lui faire savoir qu’elle ne pouvait pas mourir avant d’avoir eu sa vengeance ? Ses divagation tournèrent court alors qu’elle fut scellée au sein des murs gris de l’asile pendant presque trois siècles, dans le noir.
Les repas étaient bien trop maigres pour lui permettre de tenir convenablement aussi plusieurs fois encore fit elle l’expérience de la mort au sein de sa geôle. Mais au moins cette magie ambiante la rendait heureuse. Elle avait tout pardonné ! Sa famille aux coeurs arrachés, pardonné. Ceux qui l’avaient traquée, pardonnés. Ceux qui l’avaient enfermés ici, pardonnés. Mais il y avait aussi cette petite voix qui s’invitait parfois, lui susurrant des choses qu’elle devrait faire après être sortie d’ici. Mais elle ne voulait pas sortir d’ici, elle était heureuse quand bien même elle n’avait plus personne. Elle arrivait à sourire sans peine, ce sourire de malade était un sourire quand même. Cela comptait.
Puis un jour, la magie cessa Daftsura se sentit happée comme lorsqu’on tombe au cours d’un rêve. La grande porte de sa cellule était ouverte et elle pouvait voir de la lumière… De la lumière et cette personne qui l’attendait. Qui ? Peu importe, elle s’avance, affaiblie elle peine à marcher ses bras se referment sur ce type qu’elle ne connaît pas et sa mâchoire sur sa clavicule, elle l’entraîna à terre et entama son funeste repas ignorant sa proie encore vivante qui se débattait sous son emprise. Elle avait besoin de manger. Manger plus, aussi tous ceux qui se trouvèrent sur sa route à sa sortie de l’asile furent impitoyablement ingérés par la créature.
Encore trop engourdie pour réfléchir convenablement, elle décida d’écouter sa petite voix et pris la route de Val’Hulm, l’île dangereuse. Si elle restait là elle aurait vite fait de se faire attraper de nouveaux. Le voyage fut long et le Thérion manqua à plusieurs reprise de se dévoiler, manquant à plusieurs reprises de céder à des pulsions comme elle n’en avait jamais ressenties auparavant. Comme si ses désirs venaient la frapper bien plus fort qu’avant son emprisonnement. A plusieurs reprise elle dévora son propre bras afin de ne pas basculer.
D’esprit vengeur à semeur de chaos, Daftsura dans sa douce folie entreprend de rassembler d’autres criminels et évadés sous une même bannière formant un groupe illégal de mercenaire, la Grande Chasse. Attendant d’être assez nombreux pour s’opposer au pouvoir en place et plonger le monde dans le chaos. Leur quartier général est caché sur Val’Hulm.
“Chef, z’avez une tête de con là dessus.”
Annonça ‘un des deux hommes qui encadraient une femme à la silhouette bien plus menue couverte par une longue cape noire de laquelle s'extirpe une main bandée s’en allant saisir l’affiche placardée sur le bois d’un panneau de chasseurs de prime. Elle l’observe un instant de ses yeux jaunes imperturbable avant qu’un sourire mauvais ne vienne déchirer son visage.
“Tant mieux. Que tous sachent que le temps de la Grande Chasse est arrivé.”