Conte
Seulement, d'après la légende la plus répandue de Vastaroth, et peut-être même au-delà, c'est lors d'un soir un peu particulier, entre les récentes Marmayelle et Arvania, qu'un jeune marchand un peu trop curieux, mais surtout en proie au désespoir ainsi qu'en soif de richesse, a bravé l'incroyable tempête de neige qui s'abattait alors sur le sud du continent gelé. Le brouillard était épais et le vent, qui balayait le tout de ses innombrables vagues glacées, rendait la marche du garçon difficile. Lui qui ne trouvait comme autre solution que de s'aventurer près des terres de glaces afin de potentiellement y dénicher des trouvailles, lui permettant de revenir vainqueur, riche et célèbre. Plus il s'enfonçait dans ce tourbillon, que tous avaient fui en s'abritant chaudement dans leurs petites chaumières ou même, pris de panique, s'étaient réfugiés vers le nord, plus l'avancée devenait pénible, compliquée et épuisante.
Pourtant, il ne perdit pas espoir et semblait déterminé à réussir ce qu'il jugeait encore alors comme une épreuve décernée par la déesse Katarina elle-même. Animé par une puissante rage de vaincre cet obstacle, il poussa un cri de guerre, plantant laborieusement ses pieds dans la neige qui, à chaque pas et à chaque minute, les recouvrait de plus en plus de son sublime manteau immaculé. Les longues et douloureuses minutes passèrent tandis que la puissance du vortex ne paraissait aucunement s'aventurer sur la voie d'un potentiel affaiblissement. Désormais bloqué jusqu'au bassin, le marchand finit par jeter les armes, comprenant qu'il venait d'échouer sur ce que les divinités lui avaient proposé comme défi, la sentence n'étant autre que la mort, destiné à être enfoui sous ce qui allait bientôt être le nouveau sol prochainement foulé par ses prochains.
Il ferma alors les yeux, acceptant le sort qui lui avait été réservé, mais refusant catégoriquement de se voir aspiré par ce sable mouvant blanc. Soudainement, le son perçant qui avait jusqu'alors fait bourdonner ses oreilles n'était plus et les picotements provoqués par les vents aiguisés non plus. Durant un instant, il se cru mort et désormais tombé en ce lieu que beaucoup avaient foulé, mais qu'aucun n'avait pu décrire aux vivants. Il entre-ouvrit d'abord un œil, puis l'autre, craintif, et s'étonna de remarquer que sa situation n'avait pas bougée d'un poil. Il était toujours coincé dans la neige et la chose qu'il voyait à des kilomètres ne se résumait qu'à de la brume et à ce dans quoi il n'arrivait plus à se mouvoir. Un étrange calme olympien régnait sur toute la zone. Il essaya de se tirer de ce pétrin en agitant les jambes ou en gigotant son bassin, mais c'était sans succès. La couche qui l'entourait était tellement épaisse et profonde qu'on aurait dit que le tout s'était mis à durcir.
Au sein de ce mélange de panique et d'incompréhension, une chute de flocons reprit de plus belle. Cependant, le jeune homme se rendit compte que ni le vent, ni la rapidité de cette presque pluie ne reprirent leurs rôles respectifs à cœur. Toujours baigné dans le calme ainsi que dans la neige, les yeux ébahis du garçon se surprirent d'être témoin d'un tel spectacle. Ces cristaux de glace mimaient leur descente des cieux, sans réellement venir de là. En effet, ces derniers ne tombaient pas du ciel, ils apparaissaient à des endroits différents dans l'air. De plus, leur pelage n'était ni onctueux, ni pur alors que leur forme, quant à elle, était visible et facilement détaillé. Arborant un bleuté froid et cristallin, ceux-ci s'illuminaient et brillaient de mille feux, jouant de lumières et de reflets. La plupart restaient à l'écart de la silhouette humaine, toujours à moitié ensevelie, tandis que certains plus téméraires s'aventuraient tout autour. Le garçon tendit un bras, cherchant à toucher du bout de son doigt ganté ce qui l'intriguait et qui se trouvait désormais en une sorte de stagnation. Au moment où il poussa légèrement dessus avec son index, se dernier roula légèrement, puis revint vers la main responsable de ce mouvement. Le flocon se mit à tourner autour, comme pour vérifier la bonne intention de celle-ci. Le marchand tourna alors délicatement son bras et ouvrit sa paume, s'adonnant à de petites expériences tout en ayant encore beaucoup de mal à réaliser ce qui se tramait sous ses yeux. Hésitant, ce qui s'apparentait toujours à un flocon de neige émit plusieurs mouvements d'avancée et de recul, se nichant néanmoins, et ce après plusieurs minutes, dans le creux de cette main qu'il ne connaissait pas. Attendri par cette action, le propriétaire de cette main tendue la ramena vers lui, admirant de plus près cet objet qui, après mûre réflexion, pourrait bien être ce pourquoi il est venu ici.
Alors qu'il tenait délicatement ce qu'il croyait être son nouveau trésor, les autres cristaux ne restèrent pas plus longtemps inactifs. Voyant l'un de leur compagnon s'amuser avec cet homme, ils se mirent, eux aussi, à bouger en tous sens, se rapprochant timidement de lui. Semblable à une véritable danse, ceux-ci se mirent à oser affirmer leur véritable forme, donnant naissance à de petites ballerines glacées dont le flocon en est, pour les femmes, leurs tutus et pour les hommes, leurs capes. La petite fée couchée dans sa main s'éleva donc grâce à ses ailes et voilà que toutes se sont mises à tournoyer autour du marchand qui s'étonna de voir la neige se dissiper sous ses pieds tout en ressentant néanmoins une incroyable vague de fraicheur, de quoi quelque peu givrer le bout de ses gants ainsi que de ses mèches de cheveux. En un claquement de doigt, les véritables petites lucioles maîtrisant la glace ont libéré le pauvre homme pris dans ce piège naturel, fuyant juste après cette entité humaine vers Arvania avant qu'il ne puisse les remercier.
Il rentra donc chez lui, sans trésor matériel, mais avec des images qui, à jamais gravées dans sa mémoire et dans son cœur, lui ont permis de devenir l'auteur de cette légende sur les fées des glaces qui, durant des générations entières, ont été traquées sans jamais être retrouvées sous cette forme originelle. Cependant, après des siècles entiers, de nouvelles peuplades exclusivement Vastaroises, qui plus est localisées à Arvania et dans ses environs, seraient les descendants directs ou indirects, de ces véritables lucioles des neiges contées dans cette légende retraçant leur arrivée sur Nitzihell.
